Un mariage collectif LGBT a été organisé à Sao Paulo au Brésil le 16 décembre 2018. — Amélie Perraud-Boulard / 20 Minutes |
Dimanche 16 décembre, quartier d’Agua Branca à São Paulo (Brésil). Alors qu’on se dépêche de finir les courses de
Noël dans le centre commercial voisin, pour quatre couples
homosexuels,
c’est une autre course contre la montre qui se joue, entre derniers
coups de brosse à cheveux et légère retouche maquillage. Sous une
chaleur suffocante, familles et amis les attendent dans une ancienne
usine en briques reconvertie en salle des fêtes pour célébrer leur
union.
Prévenus seulement une dizaine de jours avant que la cérémonie n’ait lieu, ils sont tous « très excités et enthousiasmés » par ce projet de mariage collectif. Inquiets de l’entrée en fonction le 1er janvier de l’ultra-conservateur et homophobe notoire Jair Bolsonaro,
élu président en octobre dernier, Jessica et Carol, Noah et Serena,
Jessica et Isabela, Victor et Hugo ont décidé d’accélérer leurs projets
et de se marier au plus vite.
Des violences records contre la communauté LGBT
« L’ensemble de la communauté LGBT a
été à fleur de peau durant cette campagne, raconte Victor, 23 ans. Je
n’avais jamais vu autant d’amis faire campagne contre tout ce que
représente Jair Bolsonaro. Au fur et à mesure que ses mots et idées
étaient plus relayés par les médias, et que j’ai vu qu’une partie de la
population y adhérait, j’ai commencé à avoir peur. »
Le Brésil est déjà le pays recensant le plus d’homicides envers les
LGBT au monde. 2017 présentait un triste record : avec une hausse de
30 % des assassinats de gays, lesbiennes et transsexuels, atteignant les
445 homicides. Ces derniers mois, les agressions n’ont
cessé de s’intensifier tout au long de la campagne présidentielle.
Serena, 26 ans, a clairement senti un changement. « Ça a toujours été
latent, mais avec la montée en puissance de Bolsonaro, on a senti un
relent de haine et de préjugés ». Victor évoque « des regards portés sur
nous différents, des agressions verbales et physiques » qui l’ont amené
à ressentir de la peur lorsqu’il sortait.
Un mariage collectif LGBT a été organisé à Sao Paulo au Brésil le 16 décembre 2018. - Amélie Perraud-Boulard / 20 Minutes |
Vers une suppression du mariage pour tous ?
Avec Jair Bolsonaro au pouvoir, l’autre préoccupation majeure de la
communauté, c’est de ne plus être autorisée à se marier. « C’est une
période très compliquée et je pense qu’il y a de réels risques que nous
puissions perdre nos droits », estime Victor. Un droit acquis en 2011
lorsque la Cour suprême approuve à l’unanimité la reconnaissance du
mariage entre personnes du même sexe.
Et confirmé en 2013 lorsque
le Conseil national de justice oblige les offices notariaux à célébrer
les mariages homosexuels. Toutefois, cette possibilité n’étant pas une
loi, il serait aisé de revenir dessus. D’autant plus que le président
élu a déclaré durant sa campagne vouloir « promouvoir le vrai sens du
mariage, comme l’union entre un homme et une femme ».
Alors, en cette fin d’année, les mariages entre gays, lesbiennes et transsexuels, parfois collectifs comme celui-ci, ont commencé à se multiplier à travers le Brésil. « Fin octobre, après le second tour, la responsable de la diversité au sein de l’Organisation des avocats brésiliens a suggéré à la communauté LGBT de se marier avant que
Bolsonaro n’arrive au pouvoir », explique Caique Paz, organisateur du
mariage collectif. L’idée de cette cérémonie est née grâce aux réseaux
sociaux. L’un des groupes, nommé Mariage LGBT, créé par la Carioca
Rossanna, a pour objectif de mettre en relation des couples souhaitant
se marier avec des professionnels - photographes, maquilleurs ou encore
coiffeurs - pouvant proposer leurs services à petit prix, voire
gratuitement. Caique a offert son aide à São Paulo : « On a diffusé
l’information début décembre sur les réseaux sociaux et il y a eu très
vite beaucoup de partages de l’information, puis de retours. »
Un mariage collectif LGBT a été organisé à Sao Paulo au Brésil le 16 décembre 2018. - Amélie Perraud-Boulard / 20 Minutes |
Se marier, un acte militant
Noah a fait la surprise à Serena de se marier ce jour-là. Comme les trois autres couples, ils pensaient « se marier, mais pas forcément tout de suite », précise
la jeune femme. Outre la volonté de protéger leurs droits, Victor et
Serena estiment que ce mariage est un réel « acte militant ». Pour Serena, pas de doute, « c’est le le moment de lutter pour assurer ce droit basique à chaque être humain ».
Son amie Paula, qui
n’aura cessé de pleurer durant toute la cérémonie, souligne d’ailleurs
que le fait de montrer « ce à quoi elle croit » est « courageux dans ce contexte si particulier ».Un moment qu’ils sont heureux d’avoir partagé avec des personnes
qu’ils ne connaissaient pas deux jours plus tôt. « Vivre ce beau moment
avec des gens qui ont les mêmes peur et insécurité que nous, entourés de
toutes ces personnes bienveillantes qui voulaient juste nous offrir un
beau mariage, c’était incroyable », sourit Serena.
« On s’est même dit qu’on se retrouverait dans un an pour fêter ensemble nos noces de coton ! »
Sources: 20 minute
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