lundi 20 janvier 2014

Les droits des trans’ attendront le projet de loi de simplification du droit en 2014



Conformément à la demande du gouvernement, aucun amendement concernant les trans' n'a été voté par le Sénat.



Le Sénat n'a adopté aucun des amendements concernant les trans' lors du vote du projet de loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes hier soir, mardi 17 septembre. Les amendements de Chantal Jouanno (UDI), Kalliopi Ango Ela et Esther Benbassa (EELV), Maryvonne Blondin (PS) et Cécile Cukierman (FdG) ont tour à tour été rejetés, aussi bien par les parlementaires que par le gouvernement. Évoquant un risque de cavalier législatif qui provoquerait une censure du Conseil constitutionnel, la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem a indiqué que des dispositions «inspirées» des amendements rejetés seront intégrées au projet de loi de simplification du droit «au premier semestre 2014».
 


 


Les sénatrices qui ont présenté ces amendements ont chacune avancé des arguments en faveur de l'égalité lorsqu'elles ont pris la parole pour défendre leurs textes, mais n'ont convaincu ni la rapporteure du projet de loi Virginie Klès (PS), ni Najat Vallaud-Belkacem. Le premier amendement de Chantal Jouanno portait sur sur le changement de prénom sur les papiers d'identité.

    «J'ai découvert le problème des personnes transsexuelles à l'occasion du débat sur le harcèlement. Le changement d'état civil est extrêmement complexe en France et les difficultés d'intégration sociale que rencontrent les transsexuel.le.s expliquent un taux de suicide considérable: il est difficile de se présenter à un guichet lorsqu'on a une identité de femme et des papiers d'homme. Ne parlons pas de trouver un emploi. Mon premier amendement facilite le changement de la carte d'identité. On me dira que qu'il n'a pas sa place ici. Mais ces personnes sont des femmes! Nous parlons bien d'un problème d'égalité entre les femmes et les hommes.

    Virginie Klès: En l'état, avis défavorable. La question mérite un travail approfondi car il faut veiller à la protection de l'identité de tou.te.s les Français.es. Avec votre amendement, l'identité ne changerait pas sur le registre d'état civil. Il est choquant que des magasins exigent trois documents d'identité pour un chèque: c'est un signe de défiance envers tous les papiers d'identité.»

Najat Vallaud-Belkacem a demandé à la sénatrice UDI de retirer son amendement pour les mêmes raisons en indiquant qu'elle s'en expliquerait par ailleurs. L'amendement n°130 de Kalliopi Ango Ela a ensuite été présenté par Esther Benbassa:

    «L'article 4 de la loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a été présenté comme ayant pour conséquence la reconnaissance de la transphobie en droit français. Or c'est la notion "d'identité sexuelle" qui a été retenue, notion qui risque d'exclure de son champ d'application plusieurs milliers de personnes en cours de transition, ou vivant durablement dans des situations transgenres, ou à qui l'État refuse un changement d'état civil. Le présent amendement a donc pour objet d'y substituer la notion "d'identité de genre". Madame la ministre nous demandait naguère d'attendre l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH). Nous le connaissons, à présent. D'où cette proposition de précision terminologique, que saluent les associations.

    Virginie Klès: Avis défavorable à l'amendement n°130 rectifié.

    Esther Benbassa: Pourquoi?

    Virginie Klès: Nous l'avons dit: la commission préfère les termes "d'identité sexuelle".

    Najat Vallaud-Belkacem: Même demande de retrait qu'à Madame Jouanno. Je vais m'en expliquer au terme de la présentation des amendements sur ce sujet.

    Esther Benbassa: Sans explication, je ne retire pas. Je n'ai pas d'automatisme pavlovien.»

D'autres amendements ont ensuite été défendus, sans que la rapporteure ou la ministre se prononcent immédiatement. Maryvonne Blondin a ainsi présenté un amendement pour le groupe socialiste, sans plus de succès:

    «Nous abordons le problème douloureux des transsexuel.le.s. Le législateur a laissé au juge toute latitude pour traiter de leur cas. J'excepte le sénateur RDSE Henri Caillavet, qui avait déposé une proposition de loi à ce sujet en… 1982! Les divergences d'appréciation entre tribunaux constituent une rupture d'égalité. D'où la nécessité d'harmoniser, mais aussi de rendre plus simples et plus rapides les procédures de changement d'identité. Car c'est alors que ces personnes sont les plus vulnérables. Le changement d'état civil doit être déconnecté du parcours médical, comme le recommandait la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, saisie par vous, madame la ministre. Je connais votre engagement mais il est temps de faire avancer l'égalité des droits. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme. Refuser à une personne trans' le droit à des papiers, c'est comme lui refuser d'exister.»

Esther Benbassa a de nouveau pris la parole pour défendre un autre amendement du groupe écologiste:

    «Cet amendement instaure une procédure de modification de la mention du sexe à l'état civil conforme aux recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme du 27 juin 2013 qui préconise une refonde totale de notre législation en matière d'état civil. Ce texte est l'occasion d'aborder le sujet. Si l'on ne tient aucun compte de ce qu'elle dit, on peut se demander pourquoi la Commission nationale consultative des droits de l'Homme existe. Le groupe écologiste est attaché à la défense des droits des LGBT. D'où cet amendement. La procédure doit être démédicalisée et aussi peu que possible judiciarisée. Je ne retirerai l'amendement, madame la ministre, que si vous m'annoncez un calendrier législatif ferme.»

Cécile Cukierman a enchaîné:

    «Les transgenres doivent accomplir un parcours du combattant pour être reconnu.e.s. L'amendement vise à encadrer la procédure de changement d'état civil, jusqu'à l'acte de naissance. En 2012, on nous a déjà dit que ce n'était pas le moment. Madame Jouanno l'a dit, ces personnes veulent voir leur dignité reconnue. Notre amendement, qui n'est pas exhaustif, appelle à poursuivre plus avant.»

Et Chantal Jouanno a conclu cette suite d'amendements:

    «Le changement d'état civil concerne sans doute peu de personnes, mais qui n'en valent pas moins que les autres. La France ne bouge pas sur ce sujet car le droit de l'état civil est déterminé par l'ordre public, si bien que l'on nous renvoie l'argument de la sécurité. Or d'autres pays ont su évoluer, l'Espagne, le Royaume-Uni. Devoir engager un changement médical irréversible plonge la personne pendant des années – jusqu'à dix ans! – dans une situation intenable. La plupart de ces amendements se rejoignent: il faut faciliter la procédure, la démédicaliser et se contenter de rassembler un faisceau d'indices suffisants de la volonté des intéressé.e.s.»

La rapporteure a alors répondu en précisant pourquoi un avis défavorable avait été rendu:

    «Je remercie les présentatrices de ces amendements, qui se sont engagées sur ce sujet difficile. Les transgenres sont des personnes à part entière, qui méritent notre respect. D'où la nécessité de leur fournir des titres d'identité fiables. Oui, il est urgent d'accélérer et de simplifier, mais il faut aussi protéger les enfants qui ont pu naître avant le changement de sexe, se soucier, aussi, des plus jeunes. L'âge de 16 ans est-il le bon seuil? Le gouvernement va prendre des engagements formels mais, à ce stade, la commission ne peut être favorable à ces amendements.»

La ministre Najat Vallaud-Belkacem a mis un terme à l'échange:

    «Ces amendements portent tous sur le même sujet, celui des femmes nées avec l'état civil d'un homme, ou d'hommes nés avec l'état civil d'une femme. Ces personnes subissent un parcours difficile, parce que les règles que le juge a fixées pour le changement d'état civil les projettent dans la clandestinité. Notre souci absolu est celui de la protection des personnes, c'est pourquoi, avec la Garde des Sceaux, nous avons saisi la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, qui a ouvert des pistes. Merci à toutes celles qui ont déposé ces amendements mais le sujet mérite mieux que des mesures partielles qui pourraient être considérées comme des cavaliers par le Conseil constitutionnel, au risque de décevoir les espoirs soulevés. Dans le cadre du projet de loi de simplification du droit, au premier semestre 2014, des dispositions seront inscrites qui s'inspireront de vos travaux. Dans l'attente, je souhaite le retrait de ces amendements.»

Un nouveau combat pour Christiane Taubira? Rendez-vous est donc pris pour 2014. Si – et c'est un grand si –, le gouvernement tient son engagement, la question de l'état civil des TranS' pourrait être réglée d'ici l'Existrans 2014.

Photo: Pari-T
Sources : Yagg


 

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