Dans le plus
grand pays musulman du monde, on les appelle les warias : une combinaison de
wanita, « femme », et pria, « homme ». Souvent contraints à la prostitution,
les transsexuels sont victimes de violences et de discriminations. Yullianus,
ancienne travailleuse du sexe, se bat pour leurs droits et ouvre la première
maison de retraite pour transsexuels.
Pendant 17 ans,
Yuliannus a connu la prostitution, la rue, les nuits sous les ponts de Jakarta.
Née en Papouasie, dans une famille très catholique, elle découvre à l’âge de la
puberté qu’elle est « une femme piégée dans un corps d’homme ». Rejetée par sa
famille, Yuliannus se bat pour rejoindre les bancs de l’université. Une
violente dispute avec son frère la contraint à arrêter ses études et à gagner
sa vie.
Très vite, elle
ne voit rien d’autre que la prostitution. A 32 ans, elle décide d’en sortir, de
reprendre des études, et obtient un master de droit. Avec un seul objectif en
tête : se battre pour le droit des transsexuels.
Appelés warias en
Indonésie, une contraction de « wanita », qui veut dire femme en indonésien, et
« pria », homme ; les transsexuels étaient jusqu’il y a deux ans, considérés
comme des malades mentaux.
Dans la
communauté transsexuelle, Yuliannus est appelée Mami Yuli, un terme affectif
pour celle qui est leur protectrice. Elle vient de créer dans la banlieue de
Jakarta, la première maison de retraite pour transsexuels.
« Les transgenres
âgés sont oubliés par toutes les associations. Quitté la prostitution, ils ne
gagnent plus d’argent et bien sur, n’ont pas de retraites, leur fin de vie est
souvent tragique. Ici ils se forment à un métier. Souvent cuisiner, coiffeur,
femme de ménage », explique Yullianus en se repoudrant le visage.
« J’étais très
demandée dans mes belles années », sourit Yoti, une transsexuelle de 70 ans, en
montrant une photographie jaunie « j’ai été reine de beauté. » Les traits
marqués, elle a depuis laissé tomber le maquillage et les robes moulantes.
Aujourd’hui, elle gère la cuisine pour la vingtaine de pensionnaires.
La prostitution,
l'unique perspective des warias
Souvent victimes
de rejet de la part de leur famille, puis de moquerie à l’école et de discrimination
dans la société, la plupart des 35 000 transsexuels indonésiens tombent dans la
prostitution.
Vanis est
fatiguée ce soir là. A 22 ans, elle a déjà le visage de quelqu’un qui a trop
vécu. Elle regarde tristement ses compagnons d’infortune boire à outrance, en
enfilant mi-jupes et faux cils, « il faut ça pour tenir, le travail est
difficile, les clients vulgaires, mais au moins nous sommes entre nous. Nous ne
nous jugeons pas. Quand je suis arrivée ici, j’ai trouvé mes paires. Dans mon
village, la vie était devenue impossible », confie Vanis.
Pantalon long,
chemise coquette et cheveux relevés, Mami Yuli arpente régulièrement les
trottoirs de Jakarta pour leur offrir d’autres perspectives. « Ils ne pensent
même pas avoir accès à un autre métier. Les préjugés sont encore très forts. Il
est très difficile de travailler dans une banque, une entreprise, et encore
plus d’être fonctionnaire », explique Mami Yuli.
« Je me bats pour
que la société pose un autre regard sur les transsexuels indonésiens. Pour que
nous ayons des droits. Celui de trouver un travail dans le secteur formel,
d’être soigné à l’hôpital, mais je ne veux pas d’opération chirurgicale pour
changer de sexe. J’ai trop peur de Dieu », raconte Yuliannus, alors qu’elle
rejoint dans sa paroisse le père Romo Mardi. La communauté catholique soutient
le combat de Mami Yuli, en apportant notamment des fonds pour la maison de
retraite, « je les aide aussi spirituellement à accepter leur vie », explique
le prêtre, sans jugement.
Le prochain
combat de Mami Yuli : être élue commissaire des droits de l’homme en Indonésie.
« Je serai la première transsexuelle si je suis élue », rêve-t-elle.
Info:www.pari-t.com
Source : TV5MONDE
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