Un
amendement au projet de loi « justice du XXIe siècle »
propose que les transsexuels
puissent changer de sexe à l’état civil, même sans
avoir subi d’opération médicale.
Faciliter le
changement de sexe à l’état civil pour les personnes transsexuelles : tel est
le but d’un amendement à la loi « justice du XXIe siècle »,
en discussion au mois de mai 2016, déposé par une quarantaine de députés de
gauche.
Cet
amendement dispose qu’une personne pourra modifier la mention du sexe à l’état
civil dès lors que la mention initiale, de naissance, « ne correspond
pas (au sexe) dans lequel (la personne) se présente et dans
lequel elle est connue ».
Une procédure aujourd’hui coûteuse et incertaine
Autrement
dit, un homme qui se sentirait femme et en aurait pris l’apparence après, par
exemple, un traitement hormonal ou de la chirurgie esthétique, pourrait
demander à devenir une femme à l’état civil. Et ce, quand bien même cette
personne n’aurait pas subi d’opération chirurgicale de ses organes génitaux.
Selon les
auteurs de l’amendement, « entre 10 000 et 15 000 personnes
sont engagées ou ont achevé un parcours de transition sexuelle » et
sont actuellement « soumises à une procédure longue, coûteuse,
incertaine » quand elles souhaitent changer d’identité.
De fait,
plusieurs tribunaux ont récemment rejeté des demandes de changement d’état
civil faute d’opération, bien qu’il n’existe aucune règle de droit précise en
la matière. En 2013, la Cour de cassation avait seulement estimé que le
demandeur devait « établir le caractère irréversible de la
transformation de son apparence ».
L’obligation d’opération chirurgicale au cœur du
problème
Mais cette
jurisprudence est contraire à celle de l’Europe, estiment les auteurs de
l’amendement. Trois plaignants français ont d’ailleurs saisi la Cour européenne
des droits de l’homme, estimant que le refus de modifier leur identité était
contraire à l’article 8 de la Convention européenne sur le respect de leur
vie privée, mais aussi à l’article 3 sur les traitements inhumains ou
dégradants.
Pour eux,
l’obligation de subir une opération chirurgicale correspond en effet à une
stérilisation forcée. « Il y a, derrière l’opération chirurgicale
réclamée par certains, la volonté manifeste d’empêcher ceux ayant changé de
sexe d’enfanter », estime Magaly Lhotel, une avocate spécialisée dans
la défense des transsexuels.
Il s’agirait
notamment d’empêcher une femme présentant l’apparence d’un homme mais ayant
gardé son utérus de pouvoir être enceinte. La décision de la CEDH devrait
intervenir d’ici au mois de juillet 2016, mais plusieurs observateurs
estiment d’ores et déjà très probable que la France soit condamnée.
> À
lire aussi : Le droit des transsexuels à changer
d’identité fait débat
Le transsexualisme, longtemps considéré comme une
pathologie
Reste que
pour ses détracteurs, cet amendement constitue une rupture juridique et morale
majeure. « Jusqu’ici, le transsexualisme a toujours été considéré comme
une pathologie médicale qui pouvait être soignée par une opération
chirurgicale, explique Gregor Puppinck, directeur du Centre européen pour
le droit et la justice.
Ce n’est que
dans un deuxième temps que la société a accepté que l’état civil soit modifié
après l’opération. Avec cet amendement, le changement de sexe n’est plus
considéré comme une pathologie mais comme une liberté, l’homme pouvant choisir
son identité sexuelle totalement indépendamment de la réalité biologique et
physique. »
Cet
amendement participe selon lui d’une « culture à la mode » qui
veut que « la liberté de l’homme s’exerce contre et au-delà de la
nature, comme si plus on s’opposait à la nature, plus on était homme ».
Le juriste rejette cette « vision transhumaniste », mais
surtout sa transcription en droit : « Le droit reflète la réalité, il
ne doit pas la changer. On ne peut pas l’utiliser comme une réalité de
substitution, totalement subjective. »
Source : La croix
Pour Flore Thomasset
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